Enregistrements pirates : Philippe Delerm

Enregistrements pirates
Philippe Delerm
Editions du Rocher
ISBN 2-268-04922-1
146 pages
13.90 euros

Plaisir minuscule

Perplexe, en proie à un énervement diffus, on repose Enregistrements pirates sur la table de nuit. On se dit que la nuit effacera peut-être cette première impression et qu’au petit matin, on parviendra à comprendre.
Bien sûr, l’assemblage de jolies réflexions reste une excellente idée et dans l’art d’évoquer le quotidien, Philippe Delerm demeure poétiquement percutant.
Croquant avec délice, tous ces petits détails qui font la vie et en révèlent parfois le sens, il montre une nouvelle fois son talent inné pour l’observation.. Les personnages qu’il dépeint avec une tendresse qui n’exclut pas forcément la dérision, sont étrangement familiers.
Qui n’a jamais rencontré le «trublion » qui sème la zizanie lors d’une réunion dans Les vrais problèmes, la fillette de P’tit’ mère, menacée de « mémérisation », l’alcoolotabagique , pilier de bar de J’emmerde le toubib, les touristes, Visiteurs programmés d’une abbaye ou encore ces couples un peu âgés qui dans le train surenchérissent sur leurs voyages respectifs ?
Delerm décèle ce qui se cache derrière nos gestes, nos attitudes ou nos paroles. Le chauvinisme qui pointe sous l’apparence antipatriotique du propos dans Y a qu’en France qu’on voit ça, la solitude de la jeune femme qui promène son cocker, la démission parentale, rien ne lui échappe !
Amoureux des mots, il séduit toujours par ses interprétations sémantico-grammaticales audacieuses. Adepte de la synesthésie, il joue habilement de la perception des sens.
Malheureusement, reste, tout de même, cette vilaine impression de déjà vu (jusque dans les tics d’écriture !)
Alors, on relit La première gorgée de bière ….
Variations sur le même thème ou grosse arnaque, l’auteur n’ayant su résister aux sirènes de la facilité ?
Il fait jour maintenant, on craint d’avoir compris.

(Mis en ligne le 02/02/2004 sur parutions.com)