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samedi 14 février 2009

Ceci n’est pas un roman : Jennifer Johnston


Jennifer Johnston
Ceci n’est pas un roman
Traduit de l’anglais (Irlande) par Anne Damour
ISBN 2-7144-3986-1
196 pages
18 euros
Belfond 2004

O brother !

« Ceci n’est pas un roman…Je me demande dans quelle catégorie ranger cet exercice littéraire …j’aimerais le considérer …comme un bout de papier enfermé dans une bouteille lancée à la mer, mon espoir étant que mon frère Johnny, qui se trouve quelque part dans le monde, je crois, puisse le lire et décroche le téléphone le plus proche. »
Voilà pratiquement trente ans qu’Imogène, la narratrice refuse d’accepter la noyade mortelle de son frère. Il s’agit, en effet, d’une mort surprenante pour un champion de natation, promis à un avenir olympique.
Maintenant seule, après les disparitions successives de ses parents et de Mathilde, la gouvernante qu’elle adorait, elle s’autorise à exprimer clairement ce déni.
La tragédie s’inscrit dans une histoire familiale complexe qu’Imogène retrace en puisant dans le contenu d’une malle que son père lui a léguée. Cette dernière contient moult surprises et révélations. Journaux intimes (de son père et de son arrière grand-mère), lettres, poèmes se mêlent ainsi aux propres souvenirs de la narratrice.
Le présent se nourrit d’un passé fort trouble, dominé par le non-dit. Peu importe que le lecteur devine rapidement l’élément déclencheur du drame, en effet, ceci n’est pas un roman mais davantage un patchwork d’impressions et de suggestions. Ce poème en prose joue avec les images et les mots, de manière singulièrement émouvante. L’écho n’y est pas seulement un jeu stylistique. L’idée de répétition se rapporte en effet directement au thème central de l’atavisme, lui-même prétexte à une magistrale arborescence. Jennifer Johnston aborde délicatement des sujets douloureux – la répression de l’homosexualité au début du vingtième siècle, la judéité et le nazisme ou encore la frontière ténue qui sépare le refuge dans l’imaginaire et la folie.
Elle montre également beaucoup de perspicacité dans son analyse de l’incompréhension réciproque entre parents et enfants « J’avais dix-sept ans …Pour moi, les adultes étaient des personnes achevées et la maturité consistait à atteindre cet état d’achèvement. » L’expérience de la vie, comme le constate Imogène à travers ce journal décousu », entraîne un propos plus nuancé.
A l’instar de Petite musique des adieux, son précédent roman paru l’an dernier chez Belfond,
Ceci n’est pas un roman, dit l’essentiel sans s’embarrasser de fioritures et confirme s’il en était besoin Jennifer Johnston dans sa stature de grand écrivain.

(Mis en ligne le 25/10/2004 sur parutions.com)

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