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samedi 14 février 2009

Une épouse presque parfaite : Laurie Colwin

Laurie Colwin
Une épouse presque parfaite
Titre original : Family happiness
traduit de l’américain par Anne Berton
Autrement 2004

Le choix de Polly

Le problème de Polly « n’était pas qu’elle était tombée amoureuse de Lincoln… son problème, c’était elle-même. C’était le joug qu’elle s’imposait, les critères d’excellence qu’elle choisissait de suivre, et le fait que, sous toute sa bonne humeur, tous ses soins attentifs, tous les services qu’elle rendait, il y avait une autre Polly à qui elle n’avait pas encore vraiment fait face. »
Issue de la haute bourgeoisie new-yorkaise, épouse d’Henry, un avocat brillant et bien de sa personne, mère de deux charmants enfants, Polly exerce une activité professionnelle intéressante dans le domaine de la recherche pédagogique. Tout à la fois indispensable et transparente pour son entourage, elle assume à la perfection ses différents rôles. Cependant, peu à peu, « un besoin dévorant d’attention » lui rend insupportable l’absence de reconnaissance des siens.
C’est alors que Lincoln entre en scène.
Peintre reconnu, satisfait de sa vie d’artiste sans attaches véritables, il ne souhaite guère s’investir dans une relation trop traditionnelle. Le rôle de l’amant et les moments volés lui conviennent donc parfaitement.
Pourtant, pour la première fois, Polly se sent regardée et comprise. La complicité, qui naît entre eux, agit comme un révélateur sur la jeune femme, lui faisant entrevoir les limites de son mariage et le poids ridicule des conventions familiales. Laurie Colwin décrit de façon amusante et caustique la famille de Polly. Engoncé dans ses rituels(le brunch dominical et les vacances obligatoires dans la propriété du Maine par exemple) le clan Solo-Miller offre une galerie de personnages pas nécessairement sympathiques mais convaincants. Le portrait de la mère, qui idolâtre son fils aîné au détriment de ses deux autres enfants, est particulièrement réussi – culpabilisatrice, autoritaire et possessive en diable !
Cette peinture d’un monde narcissique qui refuse de frayer avec la populace séduit d’ailleurs davantage que l’histoire d’adultère et les tergiversations de Polly. Le roman souffre, en effet, d’un manque de clarté et de cohérence. Le jeu du « Qui dois-je quitter ? Mon mari ou mon amant ?» entraîne de nombreuses longueurs et finit par lasser le lecteur.
Certes, Polly parvient à s’émanciper mais sa décision finale laisse quelque peu perplexe sur l’utilité de telles hésitations.
Une épouse presque parfaite n’est pas forcément le meilleur des cinq romans de l’Américaine, disparue en 1992. Toujours dans le style comédie de mœurs, on peut préférer Une vie merveilleuse ou Comment se dire adieu ? également traduits aux Editions Autrement.

(Mis en ligne en octobre 2004 sur sitartmag)

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