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dimanche 15 février 2009

Souvenirs et divagations : Hanif Kureishi


Souvenirs et divagations
(titre original : Dreaming and Scheming)
Traduit de l’anglais par Jean Rosenthal
Christian Bourgeois éditeur, 2003


Autobiographie parcellaire

Au gré de ses souvenirs et divagations, Hanif Kureishi raconte une histoire passionnante – la sienne, cette fois, naviguant avec bonheur entre essai et autobiographie
" Votre œuvre est-elle autobiographique ? » demande-t-on souvent aux écrivains. Si cette question me paraît bizarre et même redondante – où irait-on puiser les sujets sinon en soi ? – je me demande si ce n’est pas parce qu’un élément mystérieux demeure dans le passage de l’expérience à la représentation."
Expériences multiples pour Hanif Kureishi né en 1954 d’un père pakistanais et d’une mère anglaise. Enfance et jeunesse dans la banlieue londonienne à laquelle il souhaite très rapidement échapper.
Voyage à Karachi au cours duquel il traverse « une petite crise d’identité », et se rend compte de son attachement à sa nationalité anglaise. Il explique d’ailleurs pourquoi l’expression « pris entre deux cultures » que l’on attribue volontiers aux « immigrants de la seconde génération » ne lui convient pas. Par opposition aux parents « moi et les jeunes de ma génération, nés ici, nous sentions chez nous en Angleterre, même quand on nous affirmait – souvent par le biais d’injures raciales – qu’il n’en était rien. Loin d’être un théâtre d’affrontement des cultures, nos vies semblaient faire la synthèse d’éléments disparates. »
Politique et désillusions d’un militant de gauche. Amer constat d’une fracture sociale qui débouche sur une autre forme de ségrégation : faire partie ou non de la société britannique. Déçu, il renvoie dos-à-dos partis travailliste et conservateur esquissant au passage un portrait au vitriol de Margaret Thatcher.
Rencontre avec le fondamentalisme musulman qu’il ne comprend pas « c’est ce qui m’a poussé à le considérer non pas en termes d’idéologie, mais en termes d’actes individuels dans des récits »
Par la magie de l’imagination, la réalité devient alors fiction.
Aux côtés de son père, écrivain raté, Hanif Kureishi se lance très jeune dans l’écriture. « Ecrire est une profession aussi bien qu’un art. » Qui nécessite donc travail régulier mais aussi don inné. Les années 1960 et la pop culture se prêtent bien à l’épanouissement des sens. Liberté totale et plaisirs licites ou non nourrissent une imagination bouillonnante. Le succès ne se fait guère attendre pour un artiste éclectique tout à la fois dramaturge, romancier et scénariste.
Ses collaborations au cinéma avec Stephen Frears pour My Beautiful Laundrette et Sammy et Rosie s’envoient en l’air et Patrice Chéreau pour Intimité sont évoquées en détail. Promenade en coulisses très réussie.
Sincère et sensible, Hanif Kureishi ne cache ni ses doutes ni ses hésitations « réaliser un film ou écrire un livre, c’est s’offrir en cible aux balles crépitantes des spectateurs ou des lecteurs. »
Derrière l’artiste, en filigrane, portrait d’un homme profondément humain.

(Mis en ligne en juillet 2003 sur sitartmag)

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