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dimanche 15 février 2009

Sept mers et treize rivières : Monica Ali


Monica Ali
Sept mers et treize rivières
Titre original : Brick Lane
Traduit de l’anglais par Isabelle Maillet
460 pages
20,60 euros
ISBN : 2-7144-3953-5
Belfond 2004

Les deux sœurs

Difficile de démarrer une carrière de romancière sous de meilleurs auspices ! En effet, avant même la parution officielle de son premier roman, Brick Lane (titre anglais de Sept mers et treize rivières) en 2003, Monica Ali était choisie par le jury du prestigieux magazine Granta pour figurer dans sa sélection des 20 meilleurs auteurs britanniques de la décennie.
De père bangladais et de mère anglaise, la jeune femme n’a pas longtemps vécu à Dacca où elle est née en 1967. Fuyant la guerre civile qui éclate en 1971, sa famille regagne alors définitivement l’Angleterre. Cependant, les souvenirs du père bercent l’enfance de la petite fille, ainsi nourrie d’une double culture. Source d’enrichissement ou de mal-être selon les cas, ce phénomène suscite outre-Manche une abondante littérature.
Tout comme Hanif Kureishi ou Zadie Smith dans son premier roman White teeth (Sourires de loup en français), Monica Ali exploite donc le thème de l’Angleterre multiraciale et des difficultés rencontrées par les immigrés de la première et de la deuxième générations. Elle apporte un regard différent, empreint de distance.
« Ce qu’on ne peut pas changé doit être enduré. Et comme rien ne pouvait être changé, il fallait tout endurer. Ce principe gouvernerait son existence. C’était à la fois un mantra, un état d’esprit et un défi. »
Laissée pour morte à sa naissance et remise entre les mains de Dieu par sa mère, Nazneen, le personnage principal de Sept mers et treize rivières, survit contre toute attente. Cet épisode façonne le caractère de la fillette et la conduit à accepter sans broncher quelques années plus tard le mariage arrangé que son père lui impose. Nazneen quitte sa province du Bangladesh et part pour Londres épouser Chanu. Seule dans la tour de sa cité, la jeune femme ne ressent au départ guère d’attirance pour ce mari de 20 ans son aîné, trop bavard et souvent un peu ridicule. Chanu accumule diplômes et certificats dans l’espoir, malheureusement absurde, que son savoir lui permettra de gravir les échelons de la société britannique.
Le seul lien que Nazneen conserve avec le pays natal sont les lettres qu’elle échange avec sa sœur. Hasina, elle, a choisi l’action et s’est enfuie avec son amant pour échapper à un destin similaire, s’attirant l’opprobre public et le rejet familial.
Au fil des années, Nazneen, devenue mère, s’enhardit, se fait des amies, prend un amant et s’habitue en fin de compte très bien à l’Angleterre, suivant en cela une trajectoire inverse à celle de son mari qui ne se voyant pas reconnu à sa juste valeur, se réfugie dans l’espoir d’un retour au pays. Sa vision idéalisée du Bangladesh contraste avec la réalité de la vie d’Hasina qui paye au prix fort sa volonté d’indépendance dans une société qui bafoue de manière intolérable les droits de la femme. Si Monica Ali dénonce les tares et faiblesses bangladaises, elle sait également montrer du doigt les injustices et le racisme anglais, étudiant avec minutie le phénomène complexe de l’acculturation. Sept mers et treize rivières foisonne d’idées, mises en scène avec sensibilité et tendresse.
La critique anglophone a voulu voir en Monica Ali une nouvelle Zadie Smith. Le compliment, quelque peu empoisonné, encourage à la comparaison.
Sur l’intelligence du propos, Monica Ali rejoint sans conteste Zadie Smith. Son style, par contre, ne possède pas le même caractère flamboyant. Elle ne joue pas avec la langue comme le fait sa consoeur mais l’utilise sans grande originalité.
C’est, sans doute, le seul reproche que l’on peut adresser à ce roman, par ailleurs excellent.

(Mis en ligne le 04/10/2004 sur parutions.com)

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