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mardi 31 août 2010
Mauvaise journée demain
Mauvaise journée demain - Dorothy PARKER
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Hélène Fillières
ISBN : 978-2-267-02091-5
192 pages, 7€
Noir, c’est noir !
Recueil de seize excellentes nouvelles parues entre 1922 et 1955 dans différents magazines, Mauvaise journée demain de Dorothy Parker (1893-1967) illustre à merveille l’esprit caustique et férocement lucide qui caractérise l’Américaine.
Dorothy Parker voue une haine réjouissante à la bourgeoisie new-yorkaise de l’époque, étouffée par un nombrilisme exacerbé. Moquant les précieuses ridicules qui, telles Miss Carrington et Miss Crane, portent haut l’étendard d’un snobisme affligeant, disséquant les relations superficielles et stériles propres à ce milieu, elle se livre à un lynchage systématique du dérisoire et offre la peinture délectable d’une comédie humaine qui vire au grotesque. Dans cette société du paraître, les apparences, les faux-semblants et l’absence de tout intérêt pour les autres triomphent, sonnant le glas de toute possibilité de communication. Les conversations se résument souvent à des monologues parallèles comme dans ce Récit de voyage qui n’en n’est pas un. Une femme y presse un jeune homme de questions sur son récent voyage en Arabie. Simple prétexte pour se raconter en détail sans écouter le moins du monde les tentatives de réponse. La grossièreté ou la vulgarité sous un vernis de bonnes manières, le thème revient à plusieurs reprises.
Pas franchement optimiste non plus sur les rapports de couple, Dorothy Parker ! Féministe convaincue, elle semble consternée par les naufrages conjugaux et les relations inégalitaires. Mais encore faudrait-il pour se sortir du marasme montrer courage et volonté d’affronter la réalité en face. Dans Quel joli petit tableau, Adélaide, Charles et leur fille jouissent selon leur entourage d’une existence paisible et heureuse. Illusion d’optique car Madame mène sa petite famille à la baguette pendant que Monsieur tout en obéissant sagement caresse des rêves d’évasion. Malheureusement, on peut douter qu’il franchisse un jour le pas ! Dans Le dîner de corbeau, Guy lui, a quitté Maida qu’il n’aime plus. Néanmoins cette dernière préfère jouer l’autruche et se convaincre qu’il reviendra malgré toutes les preuves du contraire. Cruellement drôle dans les deux cas.
Si les personnages n’inspirent que rarement la sympathie tant leur malhonnêteté intellectuelle, leur lâcheté ou leur bêtise sont flagrantes, certains pourtant ont droit à un traitement plus tendre, Miss Marion par exemple, héroïne de Conseils à la petite Peyton. Follement éprise d’un Mr Lawrence qui la rejette, elle se montre incapable d’appliquer à sa situation les vérités qu’elle professe: « Et tu dois surmonter tes peurs, chère enfant. Une femme qui a peur pour son amour ne peut rien faire de bien … ne lui demande jamais pourquoi, ni où il va. Aucun homme ne saurait le supporter. L’amour, c’est comme du mercure dans la main, Sylvie. Garde-la ouverte, il te restera dans la paume ; resserre ton étreinte, il te filera entre les doigts. » Et de se précipiter sur son téléphone une fois la jeune fille partie pour essayer vainement de reconquérir son amant. Pour une fois, la nouvelle émeut plus qu’elle ne fait rire mais l’idée reste la même. Le bonheur est un mirage, sans doute mieux vaut-il passer son chemin.
En vraie flapper girl, émancipée et irrévérencieuse, Dorothy Parker souhaitait bousculer les mentalités de son temps. Les années ont passé mais ses textes n’ont pas pris une ride. Aussi indémodables qu’une certaine petite robe noire !
Florence Cottin
(mis en ligne sur parutions.com le 11/09/2010)
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